Donateurs et remerciements
Est-ce juste de vous demander de l’argent ?
Parmi les amis de Sept-Fons et de Nový Dvůr, certains vivent dans une certaine aisance, d’autres tirent le diable par la queue, nous le savons. La réflexion qui suit s’adresse aux premiers. Qu’il soit clair pour tous que le but de nos courriers n’est pas, d’abord, de demander de l’argent. Pourtant, la question demeure : est-ce juste ? La réponse n’est pas évidente et, de fait, il arrive que certains en doutent. Ces doutes sont respectables, même si, parfois, les arguments avancés sont superficiels : « Le papier de leurs lettres coûte cher ! Les moines vivront bientôt mieux que nous ! Etc. » Commençons par tordre le cou à ces impressions hâtives. Un papier brillant et d’apparence luxueuse coûte souvent moins cher qu’un papier recyclé qui donne une impression d’économie. Pour ce qui concerne le niveau de vie des moines, soyons plus précis.
Lorsque Pierre Damien, qui deviendrait saint, mais qui n’était encore que cardinal, visita Cluny comme légat du Pape Alexandre III, il fut choqué par l’abondance de la nourriture. L’abbé Hugues, qui n’était pas encore saint, mais le deviendrait lui aussi, conseilla à l’imprudent de mener la vie d’un moine pendant seulement huit jours. Le cardinal ascète accepta la leçon et reconnut bien vite et de bonne grâce que l’abbé de Cluny avait raison. Après cette critique vite retranchée, Pierre Damien garda de sa visite un souvenir admiratif.
Le dortoir où nous dormons, s’il est muni de bons matelas, rebuterait la plupart de nos bienfaiteurs. On n’y trouve même pas un lavabo personnel. Nous n’allons jamais en vacances, ni au cinéma, ni au théâtre. La radio et la télévision nous sont étrangères. Seuls des journaux et des livres nous tiennent au courant de l’actualité. Notre table est modeste : si nous ne craignons pas, pour une profession solennelle ou une ordination, de préparer pour nos hôtes et pour nous un bon repas, l’ordinaire du réfectoire est simple et sans viande. Nous portons tous un habit identique, souvent rapiécé, des sandales bon marché, et sauf les frères qui sortent régulièrement pour leur emploi, les autres n’ont pas de manteau personnel. S’ils doivent s’absenter, ils vont, avant de partir, en prendre un au vestiaire, à leur taille, et l’y remettent au retour. Le Père Abbé de Nový Dvůr n’a pas de voiture ; lorsqu’il doit voyager, il prend l’un des trois véhicules de la communauté (pour vingt cinq frères). Ne comptons ni les tracteurs, ni les guimbardes dans lesquelles les frères vont travailler en forêt, une moitié donnée par des amis, l’autre achetée pour quelques sous. Les tracteurs ? L’un a deux ans de plus que notre Père Prieur, âgé de quarante ans ; l’autre a l’âge d’un novice, soit vingt sept ans. Ils avaient déjà une longue carrière derrière eux à la fondation.
Nous travaillons, moins que dans le monde, c’est vrai, mais à un rythme soutenu et sans parler pour consacrer plusieurs heures par jour à la prière, commune ou personnelle. Puisque notre économie est actuellement saine, chaque fois que c’est possible, nous donnons à d’autres une part du fruit de notre labeur. Personne ne s’étonnera que nous ne fassions pas de publicité autour de ces distributions (Que ta main gauche ignore… Mt 6,3).
Une communauté monastique d’adultes, (25 à Nový Dvůr, 80 à Sept-Fons) que Dieu appelle à mener une vie de prière, qui travaille sur place, accueille des hôtes, forme ses jeunes, soigne ses malades et veille ses mourants, a besoin d’une infrastructure qui s’apparente plus à un village qu’à une résidence familiale. Son travail ne lui permet ni de la construire, ni de l’entretenir sans aide. Benoît XVI le répète souvent. Nous sommes sincèrement reconnaissants à ceux qui le comprennent. Ils nous permettent de durer et de nous développer, au rythme des vocations que Dieu envoie.
Il est vrai qu’il n’est jamais facile de discerner – ni pour nous, ni pour vous – la frontière entre simplicité et abondance, de percevoir à partir de quand le luxe inutile commence à apparaître, dans quelle mesure il est juste de donner, combien et à qui.
À Nový Dvůr, nous avons encore besoin d’aide. Le jour viendra où les fruits de notre travail suffiront pour achever les dernières constructions. Ce jour-là, nous vous le dirons. Sept-Fons, où près de quarante frères sont en formation, soutient des communautés sans ressources à l’autre bout du monde. Votre générosité reste et restera longtemps bienvenue vu la vétusté des bâtiments, malgré la compétence du cellérier. À vous de juger : donnez si vous pouvez !
Vous avez sans doute lu dans la presse que l’État tchèque s’apprête, semble-t-il, à rendre à l’Église catholique et aux autres communautés de croyants une partie des biens que les communistes leur avaient volés (un peu moins de la moitié). Cela fait une somme énorme, penserait-on. En réalité, au terme du processus qui durera trente ans, l’Église sera plus pauvre qu’aujourd’hui, l’aide de l’État aux diocèses et aux religieux devant être progressivement réduite puis supprimée. Nous avons connu une expérience analogue en France il y a plus d’un siècle. La générosité des chrétiens restera toujours indispensable pour la vie de l’Église. Toujours ? Saint Paul, déjà, organisait des collectes (Ac 11,29-30 et 2Co 8,1-9,15).
P. Georges, cellérier de Nový Dvůr